Les 50 ans du téléphone rouge !

Depuis quelques semaines, l’actualité semble s’évertuer à se parer de beaux reflets de guerre froide. Que l’on songe ne serait-ce que quelques instants aux affaires Snowden et Manning ou encore au scandale Prism. On a même vu au début du mois d’août le président Obama annuler le prochain sommet américano-soviétique avec son homologue V. Poutine pour cause de bouderies espioniques. Où l’on se rend compte que si la dimension idéologique est évidemment essentielle dans la Guerre froide, elle n’est pourtant probablement pas l’unique raison de la tension entre ces deux puissances plus ou moins potentiellement hégémoniques...

Le président Kennedy et le minsitre soviétique des affaires étrangères Andreï Gromyko dans le Bureau ovale, en 1962. The John F. Kennedy Presidential Library and Museum / Wikicommons.

Mais ce qui frappe également c’est que malgré la gravité d’une affaire telle que celle d’Edward Snowden, le niveau de tension entre Moscou et Washington demeure au final assez limité. Que l’on songe une seule seconde aux répercussions qu’aurait pu avoir en 1963 l’accueil assez ostentatoire par Moscou d’un agent de la CIA ayant révélé des informations aussi sensibles… Sans doute que la crise n’aurait pas été aussi importante que lors de l’affaire des missiles de Cuba mais il est probable qu’elle aurait néanmoins revêtu un tout autre caractère de gravité.

Bien des facteurs peuvent expliquer cela. Tout d’abord, il importe de rappeler que, contrairement à 1963, l’opposition idéologique entre communisme et monde libre est sans commune mesure avec les différents qui peuvent aujourd’hui exister entre les administrations Obama et Poutine. De plus, il est indéniable que Moscou et Washington ont su, précisément, tirer les leçons de la crise des missiles de Cuba. Or l’une d’entre elle est que le manque de communication entre Moscou et Washington est lui-même un facteur aggravant lors des crises, constat qui aboutit à la naissance, il y a cinquante ans, de ce que l’on nomme le téléphone rouge.

Téléscripteur. Wikicommons.

Ce que l’on nomme téléphone rouge puisqu’un passionnant article publié sur le site du Smithsonian institution nous rappelle que ce dispositif est réalité constitué d'un radio téléscripteur encodant des textes. Autre idée reçue, cette machine n’est pas située à la Maison blanche, dans le Bureau ovale, mais au Pentagone.

C’est le 30 août 1963 qu’est envoyé le premier message entre les deux super-grands. Il s'agit d'une phrase sans signification précise – The quick brown fox jumped over the lazy dog’s back 1243567890 – mais dont le but est de tester la fiabilité dispositif.

Ce renard marron sautant sur le dos d’un chien feignant a d’ailleurs l’avantage d’utiliser toutes les lettres de l’alphabet ainsi que tous les chiffres arabes.

On le voit, la réalité du téléphone rouge est bien différente de l’image qui peut être diffusée par la culture populaire, et notamment le cinéma. Pour autant, l’efficacité de ce lien en tant que facteur d’apaisement entre Moscou et Washington n’est plus à prouver. Aussi est-ce pourquoi ce cinquantième anniversaire nous parait si important !

Erwan LE GALL